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Quand l’abeille sait faire la différence : comment les ruches “hygiéniques” détectent le Varroa destructor vivant

Dans la montagne, chaque détail compte : un ciel changeant, un vent léger, une floraison tardive.
Dans la ruche aussi, chaque signal — mouvement, odeur, micro-vibration — peut faire la différence entre survie et chute.
Des chercheurs ont identifié que certaines abeilles sont capables non seulement d’identifier un varroa présent dans une cellule, mais de faire la différence entre un parasite vivant, un parasite mort, et… un simple caillou.
Cette finesse de réaction ouvre de nouvelles pistes pour la sélection raisonnée
1.


1. Le contexte : varroa et sélection des abeilles

Le Varroa destructor2 demeure l’une des plus graves menaces pour Apis mellifera3. Les programmes de sélection, partout en Europe, visent à promouvoir des traits comportementaux4 qui renforcent la résistance naturelle. Parmi eux, le fameux VSH (Hygiène Sensible au Varroa) — un comportement où les ouvrières inspectent, ouvrent et retirent les larves parasitées de couvain5 infesté.

2. Le protocole expérimental : billes, varroas morts et varroas vivants

Dans cette étude, des abeilles issues de lignées sélectionnées pour le VSH ont été confrontées à cinq traitements : varroas vivants, varroas morts, varroas “désodorisés”, billes de verre, et cellules témoins6. Le tout dans des conditions standardisées. L’objectif : observer ce qui déclenche réellement le comportement hygiénique7.

3. Les résultats clés : un comportement finement calibré

  • Les cellules contenant des varroas vivants ont été éliminées dans ~56 % des cas.
  • Celles avec des varroas morts ou désodorisés : ~21 %.
  • Celles avec des billes ou témoins : ~12 %.
    Les abeilles ont donc un système de tri très fin : un simple objet inerte ne suffit pas à déclencher l’intervention.

4. Interprétation : odeur, mouvement, micro-signaux

L’étude montre que l’odeur seule ne déclenche pas entièrement le comportement. Il faut probablement d’autres signaux : mouvements de la larve, dommages causés par le parasite, signaux chimiques du couvain8. Autrement dit : une abeille “hygiénique” lit une sorte de micro-langage de danger.

5. En pratique pour l’apiculteur : sélection et observation

• Le VSH est un trait réel et mesurable, et la sélection fonctionne.
• Tester une colonie pour VSH doit aller au-delà de l’inspection superficielle : comprendre les signaux de la ruche est clé.
• Ces résultats confirment que résilience9 ne veut pas dire “tout automatique”, mais “tout signalé”.


Référence / source scientifique

Sprau L., Traynor K., Rosenkranz P. (2023) « Honey bees (Apis mellifera) pre-selected for Varroa–sensitive hygiene discriminate between live and dead Varroa destructor and inert objects », Scientific Reports, Volume 13, Article n° 10340. DOI : 10.1038/s41598-023-37356-x.


  1. défini comme une méthode de sélection génétique visant à améliorer des caractères d’intérêt (ici la résistance au varroa) sans compromettre d’autres traits (productivité, douceur, rusticité…). ↩︎
  2. il s’agit d’un acarien parasite externe de l’abeille mellifère, originaire d’Asie, introduit accidentellement en Europe, et principal responsable des effondrements de colonies. ↩︎
  3. c’est l’espèce d’abeille domestique européenne. ↩︎
  4. en génétique, cela désigne un caractère héritable observable dans le comportement d’un individu ou d’une colonie. ↩︎
  5. ensemble des œufs, larves et nymphes en développement dans la ruche. ↩︎
  6. ce sont des cellules non modifiées, servant de référence expérimentale pour comparer les réactions. ↩︎
  7. il s’agit d’un mécanisme collectif de défense où les abeilles détectent et éliminent le couvain malade, parasité ou mort. ↩︎
  8. il s’agit de phéromones ou molécules émises par les larves/nymphes qui alertent les ouvrières d’un problème ↩︎
  9. elle désigne la capacité d’une colonie à maintenir sa stabilité face aux parasites ou stress environnementaux. ↩︎

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