Transporter des abeilles n’est jamais anodin. Qu’il s’agisse de déplacer quelques essaims ou de transhumer un rucher entier, l’apiculteur doit respecter des règles précises, à la fois techniques et réglementaires, afin d’assurer la sécurité des colonies, des personnes et de l’environnement.
1. Préparer le déménagement des ruches
Avant toute chose, il faut préparer le nouvel emplacement :
- nettoyer la zone et débroussailler si besoin,
- installer des supports de ruches stables,
- prévoir de l’eau et un peu d’ombre en été.
Règle des 5 km
Si vous déplacez vos ruches, deux distances sont à connaître :
- moins d’un mètre : les abeilles retrouvent facilement leur ruche,
- plus de 5 km : elles “réinitialisent” leur orientation et s’habituent à leur nouvel environnement.
Entre ces deux distances, elles risquent de retourner à leur ancien emplacement.
Quand déplacer ?
- De nuit ou à l’aube, quand toutes les butineuses sont rentrées.
- En été, privilégier les heures fraîches du matin pour éviter la surchauffe.
- Toujours vérifier la météo avant de partir.
Matériel conseillé
- Enfumoir et allumettes
- Sangles et verrous réglables
- Pulvérisateur d’eau
- Lève-cadres
- Lampe torche rouge (les abeilles ne perçoivent pas cette lumière)
- Filet de transport1 (filet sombre laissant passer l’air)
- Protection complète (voile, gants, combinaison)
2. Transport des ruches : les trois méthodes
Transhumance “ruches ouvertes”2
Technique des professionnels : les ruches voyagent ouvertes, mais enfumées à la fumée froide.
- Permet une ventilation maximale et évite la surchauffe.
- À réserver aux camions à plateau ouverts.
- Interdite en cabine communicante (type fourgon).
👉 Cette méthode exige un apprentissage auprès d’un apiculteur expérimenté.
Transhumance “ruches fermées”
Méthode classique pour les amateurs :
- adaptée aux trajets courts (moins d’une heure),
- ventilation haute et basse obligatoire,
- retirer un cadre de miel pour éviter l’effondrement en cas de chaleur.
Fermez les entrées avec une mousse de transhumance (Apifoam) ou une grille réversible.
Transhumance avec “muselière3”
La muselière est une extension grillagée fixée à l’entrée, offrant plus d’espace et d’air.
- Idéale pour les longs trajets et les fortes chaleurs.
- Les abeilles peuvent se regrouper à l’extérieur sans risque d’étouffement.
3. Le choix du véhicule
- Les professionnels utilisent des camions à plateau (avec ridelles ou nus).
- Les amateurs utilisent une remorque double essieu ou une camionnette ventilée.
⚠️ Attention au permis :
- Véhicule + remorque > 750 kg : permis BE obligatoire.
- Véhicule + remorque > 4 250 kg de PTAC : autorisation spécifique.
👉 Vérifiez votre permis sur service-public.fr.
4. Les démarches administratives obligatoires
Les mouvements d’abeilles sont réglementés par le Code rural (article D.223-21) et l’arrêté du 11 août 1980 modifié.
Ils concernent les ruches, essaims, reines et paquets d’abeilles.
🔸 A. Déplacement temporaire dans le même département
Aucune formalité obligatoire, mais il est conseillé de noter la date et le lieu du déplacement dans le registre d’élevage.
🔸 B. Déplacement temporaire dans un autre département
Déclaration obligatoire auprès de la DDPP du département de destination, quelques jours avant ou après le transport.
Télécharger le modèle de déclaration de transport d’abeilles (CERFA n°13995*04) :
👉 Télécharger le formulaire CERFA officiel
Ou faire la démarche en ligne sur la plateforme officielle :
👉 Téléruchers – FranceAgriMer
🔸 C. Déplacement définitif dans un autre département
Même procédure que ci-dessus + actualisation de la déclaration de rucher sur Téléruchers.
🔸 D. Cession ou vente d’abeilles
- Un certificat sanitaire est fortement recommandé4.
- L’acquéreur doit faire une déclaration de transport à la DDPP.
- Conservez la facture et notez la transaction dans le registre d’élevage.
📍 Liste des DDPP par département :
👉 https://agriculture.gouv.fr/ddpp
5. Pourquoi pratiquer la transhumance ?
La transhumance apicole est bien plus qu’un déplacement : c’est une adaptation écologique et économique.
Elle permet aux abeilles de profiter de floraisons successives (acacia, lavande, châtaignier, sapin…) et d’éviter les zones polluées ou carencées.
- 🌸 Diversité florale = meilleure nutrition des colonies
- 🐝 Réduction des risques sanitaires (éloignement des foyers de loque ou varroa)
- 🍯 Production de miels variés et de qualité supérieure
- 🌍 Pollinisation accrue et maintien de la biodiversité
La transhumance fait donc partie intégrante de la prophylaxie apicole et de la résilience du cheptel français.
6. En résumé
| Situation | Formalité | Où déclarer |
|---|---|---|
| Déplacement < 5 km | Aucune | Mention au registre |
| Déplacement > 5 km, même département | Facultatif | Registre d’élevage |
| Déplacement autre département | Obligatoire | DDPP / Téléruchers |
| Vente d’essaims ou ruches | Recommandé (certificat sanitaire) | DDPP / Registre |
| Retour au département d’origine | Non requis | — |
Références juridiques
- Code rural et de la pêche maritime – articles L221-1 et D223-21
- Arrêté du 11 août 1980 modifié relatif à la prophylaxie apicole
- Décret n°2012-845 du 30 juin 2012 sur la gouvernance sanitaire
- CERFA n°13995*04 – Déclaration de transport d’abeilles
- Circulaire DGAL/SDSPA/2010-8196 (18 octobre 2010) – Cadre d’action des TSA
- Filet de transport apicole —
Le filet de transport, parfois appelé filet de transhumance, est un dispositif de sécurité utilisé lors du déplacement de ruches sur un camion ou une remorque.
Son rôle est double :
Empêcher la fuite des abeilles en cas de choc, d’aération mal contrôlée ou d’ouverture accidentelle.
Assurer une ventilation homogène de l’ensemble des ruches pendant le trajet, évitant ainsi la surchauffe et l’asphyxie.
Les modèles les plus efficaces sont fabriqués en maille sombre micro-aérée, souvent en polyester enduit, permettant une circulation optimale de l’air tout en réduisant la luminosité. Cette obscurité relative garde les colonies calmes, comme dans la ruche fermée.
Le filet se tend sur le chargement à l’aide de sangles ou de crochets élastiques, et doit être parfaitement ajusté pour ne pas vibrer pendant le trajet.
⚠️ Il ne remplace ni la fermeture des entrées, ni la stabilisation des éléments de la ruche (plancher, corps, couvre-cadres), mais vient en complément pour sécuriser l’ensemble.
Certains modèles sont homologués pour le transport routier d’abeilles vivantes (catégorie ADR non applicable, mais sécurité renforcée) et vendus par les principaux fournisseurs de matériel apicole (Icko, Thomas, Nicotplast, etc.).
💡 En été, le filet sombre est préférable au filet clair : il laisse mieux circuler l’air tout en limitant la lumière, ce qui apaise les abeilles pendant le transport. ↩︎ - Transhumance “ruches ouvertes” —
Cette méthode de transport consiste à laisser les ruches non fermées durant le trajet, tout en maintenant les abeilles à l’intérieur grâce à la fumée froide et aux vibrations du moteur qui les calment.
Elle est utilisée uniquement par des apiculteurs professionnels expérimentés, disposant de véhicules adaptés (camion à plateau ouvert ou remorque aérée) et transportant de nombreuses ruches simultanément.
Le principe repose sur trois conditions précises :
Les ruches sont enfumées abondamment avant le chargement, ce qui réduit fortement l’agitation.
Le moteur du camion reste allumé pendant le chargement : les vibrations produisent un effet calmant sur les abeilles.
Les ruches sont stabilisées et ventilées sur le plateau, souvent couvert par un filet de transhumance qui laisse passer l’air tout en empêchant les abeilles de s’échapper.
Ce mode de transport permet une ventilation maximale, particulièrement utile lors des longs trajets par forte chaleur, où une ruche close risquerait l’étouffement.
Les pertes d’abeilles sont très limitées, car la colonie, enfumée et désorientée temporairement, reste regroupée dans le corps de la ruche.
⚠️ Cette technique est strictement déconseillée aux amateurs :
– elle requiert une parfaite maîtrise du comportement des abeilles,
– un véhicule ouvert et non communicant avec la cabine,
– et une intervention rapide à l’arrivée pour décharger dès l’arrêt.
En résumé, la transhumance “ruches ouvertes” n’est pas un transport “sans couvercle”, mais un déplacement contrôlé et sécurisé, effectué dans des conditions très encadrées par les professionnels pour éviter la surchauffe et préserver la vitalité des colonies. ↩︎ - Muselière de transhumance —
La muselière apicole est une structure grillagée fixée directement à l’entrée d’une ruche, permettant aux abeilles de respirer et se regrouper à l’extérieur sans s’échapper.
Contrairement au filet de transport, qui recouvre l’ensemble du chargement de ruches sur un camion ou une remorque, la muselière s’applique ruche par ruche.
Elle est généralement constituée d’un cadre léger en bois, fil galvanisé ou plastique rigide, muni d’un grillage à mailles fines.
L’objectif est d’offrir aux abeilles un espace tampon aéré, où elles peuvent se rassembler pendant le trajet sans bloquer l’entrée ni obstruer la ventilation interne.
⚙️ Fonctionnement :
– La ruche est fermée à sa base pour éviter les fuites d’abeilles.
– La muselière est fixée sur la façade, formant une sorte de sas ventilé.
– Les abeilles s’y regroupent en grappe, évitant ainsi l’agglutination à l’entrée et la surchauffe interne.
🔄 Différence avec le filet de transport :
– Le filet sécurise un ensemble de ruches sur un véhicule et évite les sorties massives.
– La muselière, elle, protège chaque ruche individuellement, garantissant une ventilation ciblée et une meilleure gestion de la chaleur.
Les muselières sont particulièrement utiles pour les trajets longs en période chaude, ou lorsque la transhumance s’effectue sans plateau ouvert (camionnette fermée, remorque carénée, etc.).
💡 Dans la pratique, les apiculteurs professionnels combinent souvent les deux : muselières individuelles + filet global, assurant ainsi ventilation, confinement et sécurité optimale pendant le transport. ↩︎ - Certificat sanitaire apicole —
Ce document atteste que les colonies ou essaims concernés proviennent d’un rucher sain, ne présentant aucun signe de maladie contagieuse (notamment loque américaine, loque européenne, nosémose ou varroose non maîtrisée).
Il est établi par un vétérinaire conseil ou par le Technicien Sanitaire Apicole (TSA) sous la responsabilité de ce dernier, conformément à l’arrêté du 11 août 1980 relatif à la prophylaxie apicole et à l’article L221-1 du Code rural.
Le certificat est fortement recommandé lors de :
– la vente ou la cession d’essaims, de reines ou de colonies,
– le déplacement de ruches vers un autre département,
– la participation à un rucher collectif ou d’élevage,
– ou tout transfert d’abeilles à titre commercial ou sanitaire.
Il protège à la fois l’acheteur, le vendeur et la population apicole locale, en permettant une traçabilité sanitaire en cas de suspicion de maladie.
En pratique, le modèle de certificat sanitaire apicole peut être obtenu auprès :
– du vétérinaire conseil de votre département,
– du GDSA (Groupement de Défense Sanitaire Apicole),
– ou téléchargé sur le site du Ministère de l’Agriculture :
👉 Télécharger le modèle officiel (CERFA n°16379*01)
Ce document, signé et daté, doit accompagner les ruches ou essaims lors de leur transport et être conservé dans le registre d’élevage pendant au moins 5 ans. ↩︎




