
La sélection apicole passe nécessairement par un suivi rigoureux des croisements. L’apiculteur Jean-Marie Van Dyck a mis au point une base de données de pedigrees européens très complète, qui permet un suivi précis des lignées utilisées en élevage, notamment dans le cadre de la sélection Buckfast.
Un système de codification dense mais puissant
Chaque code contient des informations détaillées sur l’origine génétique d’une reine : lignée maternelle, origine paternelle, année de naissance, méthode de fécondation, etc. Grâce à ce système, il devient possible d’identifier des phénomènes comme la consanguinité ou l’hétérosis (vigueur hybride), des données essentielles dans tout programme de sélection.
Prenons un exemple :
B214(JPN)=.12 - B124(JPN) ins B801(BOP)
- B : Race (ici Buckfast)
- 214(JPN) : Nom de la reine. « 2 » pour 2012, « 14 » est le numéro d’identification, et « JPN » le code de l’éleveur.
- =.12 : Année d’élevage, ici 2012.
- ins : Reine inséminée.
- B124(JPN) : Lignée maternelle.
- B801(BOP) : Mâles utilisés, issus de colonies de Pascal Boyard.
Les mâles sont toujours indiqués à droite. Ils sont issus de RAM (ruches à mâles) constituées à partir de filles de reines F0, ce qui permet de préserver les gènes de la souche initiale.
Comment se lit une page de pedigree ?
Les pedigrees sont organisés par éleveur et par année. Chaque page récapitule les reines sélectionnées et les croisements effectués durant la saison, qu’ils soient réalisés en station de fécondation naturelle ou par insémination.

Les couleurs permettent de distinguer les types de croisement :
- Vert : back-cross (retour à un parent)
- Jaune : croisement entre lignées éloignées (hétérosis)
En analysant les croisements, on peut suivre le cheminement des caractéristiques souhaitées, qu’il s’agisse de rusticité, de douceur ou de résistance sanitaire.

Des visuels explicatifs accompagnent souvent ces données (reines souche, mâles, combinaisons croisées…), ce qui aide à la lecture.
Associer un pedigree aux critères validés : un indispensable pour la sélection raisonnée
Le pedigree apicole selon la méthode Van Dyck permet de retracer l’origine génétique d’une reine avec rigueur : races impliquées, accouplements réalisés, éleveurs référents, année et méthode de fécondation… Mais il ne suffit pas de connaître l’ascendance : pour sélectionner efficacement, encore faut-il connaître ce que chaque individu a réellement exprimé.
En effet, le pedigree n’indique pas, à lui seul, les qualités validées des individus mentionnés. Il trace leur histoire, mais non leurs performances mesurées.
C’est pourquoi il est essentiel de lui associer une fiche complémentaire précisant les traits observés et validés par l’éleveur :
- Caractère (docilité, agressivité, stabilité sur cadre)
- Hygiène (VSH, test pin, vitesse de nettoyage du couvain)
- Productivité (rendement miel/pollen, vitesse de développement)
- Résilience (résistance aux maladies, comportement face aux stress)
- Frugalité (gestion des réserves en hiver, besoins faibles en nourrissement)
Par exemple :B124(JPN) : VSH+ / douce+++ / forte miellée printemps / frugale / couvain compact
🧠 L’enjeu est de pouvoir croiser lignée génétique et valeurs phénotypiques observées, afin d’orienter les choix de reproduction sur une base doublement fondée : l’origine + le comportement réel.
🧾 Conseil : tenir à jour, pour chaque reine de souche ou mâle utilisé, une fiche annexe au pedigree. Cette fiche peut être partagée au sein d’un réseau d’éleveurs ou d’un GDSA impliqué dans une démarche de sélection généalogique.
En résumé
Au premier abord, la densité des informations peut impressionner. Mais une fois les principes de lecture maîtrisés, le système de pedigree devient un outil stratégique incontournable pour tout apiculteur engagé dans une sélection rigoureuse et documentée.
Ce type de traçabilité permet non seulement de suivre les origines génétiques, mais — s’il est complété par des données de performances réellement observées (caractère, hygiène, productivité, etc.) — il devient la base d’un travail de sélection raisonnée, précis et reproductible.
Cette approche est au cœur de toute sélection durable, notamment dans le cadre de la lignée Buckfast ou de tout programme d’élevage généalogique structuré.